Source: Monographie "Le style de vie". Maxi Elegido, Août 2011.
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Parcs d'Étude et de Réflexion - Punta de Vacas.
Ces questions, je me les pose dans les moments importants de ma
vie, avant d’affronter certaines situations à conséquences. Dans ces moments de
choix, il est fréquent que le calcul de bénéfices apparents s'oppose à la
direction de ma vie. Ce sont des choix qui affectent la construction de ma vie
et qui vont au-delà des échafaudages provisoires.
C’est dans ces instants-là que le Dessein s'exprime le mieux. Si
je choisis le simple pragmatisme pour prendre ma décision, j’expérimente une
trahison interne, mon cœur se contracte et s'anesthésie. Si j'opte pour donner
sens à mon action, je m'émeus et la lucidité augmente.
Mais le Dessein ne s'exprime pas seulement dans les moments de
possible déviation, il opère de façon coprésente en guidant mon action. Cela
ressemble à ces moments où, en me rappelant un objectif fixé, je me demande si
parmi les actions réalisées en ce sens, l'une d’elles n’avait pas mis en danger
sa réalisation. Le Dessein est une direction et un objectif.2
Comment ne pas essayer de préciser cette signification si
importante pour pouvoir faire appel à elle en dehors des situations extrêmes ?
Comment faire pour graver les registres que je veux préserver pour
pouvoir faire appel à eux quand j'en ai besoin ? Le travail avec les aphorismes
m'a beaucoup aidé.3
De la même façon que l’on cherche un aphorisme sur la base
d'expériences significatives, j’ai trouvé la façon de formuler le Dessein en
regardant comment il s'était exprimé dans les moments essentiels de ma vie.
Alors, j'ai cherché dans mes expériences vitales les plus
opposées. J’ai d’abord examiné celles qui m’ont laissé un registre de trahison
enversmoi-même car
je me suis éloigné de la direction que je voulais profondément suivre. Ensuite,
j’ai révisé les expériences qui m'ont impulsé vers le développement, la
croissance, le réveil, donc celles qui ont été valables et qui ont résisté au
passage du temps.
Le moment difficile à retrouver est le premier où j'ai laissé de
côté le Dessein, moment biographique de sortie du monde. C'est le moment où
j'ai "arrêté de croire", où je me suis trahi, où j’ai été fasciné par
quelque chose que j'ai voulu obtenir, en reléguant au second plan ou même au
troisième plan cette chose importante en laquelle je croyais.
Ce en quoi l’on arrête de croire est un condensé de différentes
choses qui gravitent autour d'un même registre profond : une religiosité ou une
conscience morale, ou la croyance en un type d'Être Humain, ou de société, etc.
Il ne s’agit pas simplement de la substitution d'un rêve par un autre, mais de
la perte du contact avec le Sacré.4
Ce moment me permet de me rendre compte que je dévie de ce qui est
important et, par conséquent, de me rendre compte aussi de ce qui est vraiment
important.
Au pôle opposé se trouvent les moments où prime la direction
essentielle de ma vie. À quel moment est-ce que je me suis mis d'accord avec
d'autres ? À quel moment est-ce que j’ai pris un engagement et
persévéré dans mon action ? Qu'est-ce qui a pesé pour commencer à travailler
une Discipline ? Et plus récemment, qu'est-ce qui a pesé pour mon entrée dans
l'École ? En quelles occasions ont surgi des peurs que j'ai laissées de côté,
des pertes apparentes qui ensuite se sont révélées être des bénéfices plus importants,
bien que moins tangibles ?
Ce sont des moments de nécessité, d'engagement, ayant des
conséquences et, dans ces moments-là, j'ai registré clairement le Dessein.
Avec cela je veux simplement exprimer que la définition et la
précision du Dessein ne furent pas une construction de quelque chose
d'inexistant, mais plutôt une révélation et une formulation simple me
permettant de faire appel à un registre que j'ai déjà expérimenté en
différentes occasions.
Cette formulation diffère d’autres formulations habituelles car
elle n’est pas seulement rationnelle, l'émotion y prime et elle inclut la tête.
C'est une sorte de prière qui m'émeut, qui met en contact avec la
direction essentielle de ma vie, avec le Sens de ma Vie. Et je l'expérimente
essentiellement au fond de mon cœur. Il ne s’agit pas d’un battement de cœur
accéléré, c'est une distension profonde, radieuse, lumineuse, qui grandit et
relie mon être.
Curieusement, ce Dessein ne heurte pas et ne s'oppose pas aux
autres, tout au contraire, il les inclut. Par son essence, il me connecte et
m'ouvre aux autres.
C’est seulement grâce au Dessein que je peux ressentir autrui, que
je peux me mettre vraiment à sa place, et ce, non pas comme une gymnastique
mentale salutaire qui entraîne mes habilités mentales et qui, dans la majorité
des cas, est loin du ressentir de l'autre.
Une fois le Dessein fixé et que je peux faire appel à lui, il ne
demeure pas statique, arrêté, il commence plutôt à processer et à opérer, comme
nous le verrons par la suite, dans le chapitre sur l'Ascèse et dans celui sur
le Style de Vie.
Le Dessein se modifie aussi dans son expression, il tend à
souligner des aspects que, par tendance, on aurait négligés. Ainsi une personne
studieuse avec peu d'activités sociales tend à compléter son aspiration par un
sentiment davantage orienté vers le monde et, à l’inverse, un militant aspire à
une plus grande cohérence.
Le Dessein tend à se fixer dans sa formulation alors que sa
signification peut être projetée dans le monde social ou introjectée vers le
Profond.
Dans tous les cas, je prends comme indicateur que le Dessein est
fixé quand je sens une nouvelle étape commencer, quand il me conduit vers un
espace sans solution de continuité.
1. 1. Silo,
Le Chemin, Le Message de Silo, Éditions Références, Paris, 2010, p.148
2. 2
Pia Figueroa, Étude sur Phidias, pp.29-30, www.parclabelleidee.fr "Dans
l'exemple d'une statue comme celle de la déesse Athéna Parthénos sculptée par
Phidias et commandée par Périclès, et à qui les Athéniens rendaient un culte,
la cause matérielle est le marbre et l'or desquels elle est faite ; la cause
formelle est la forme de la statue qui préexistait dans l'esprit du sculpteur
Phidias quand il projeta cette œuvre ; la cause efficiente est ce même
sculpteur qui agit comme agent; et la cause finale, le culte que la cité rend à
la déesse protectrice, culte auquel était destinée la statue (et qui détermine
à la fois ses dimensions considérables et le port hiératique et solennel de la
figure d'Athéna réalisée dans les meilleurs matériaux). … Et la cause finale
est celle en raison de laquelle se fait quelque chose et se mettent en action
toutes les autres causes. C'est le bien de la chose. C'est pourquoi Aristote
dit que la cause finale est la cause des causes."
3. 3
Le Dessein change de formulation dans sa forme et ainsi il tend à se préciser
dans son contenu, mais la signification, elle, ne varie pas. Par exemple, un
enfant pourrait faire une oraison comme celle-ci : "Jésus de ma vie, tu es
un enfant comme moi, c’est pour cela que je t’aime tant et que je t’offre mon
cœur" ; et par la suite, en tant qu'adulte, il peut la formuler autrement,
comme Jean de la Croix qui parle de l'épouse (son âme) qui se prépare à
s'offrir à son époux (Dieu).
4. 4
Karen Rohn, Root antecedents of the Energetical Discipline and Ascesis in the
Occident, Asia Minor, Crete and Aegean Islands (Antécédents des racines de la
Discipline de l’Énergie et l’Ascèse en Occident : Asie mineure, Crète et les
Iles Grecques), p.54 www.parquemanantiales.org "Dans la cérémonie de
hiérogamie, il y avait un Dessein transpersonnel ayant pour base la croyance et
le désir que l’énergie de cet acte soit projetée et démultipliée en faveur du
bien-être de tous les êtres vivants, afin d’assurer la continuité de l’Univers.
La croyance profonde était, en effet, que cette énergie représentait la source,
le mystère et le potentiel de la dynamique de l’univers, la génération de la
vie et la réponse permettant d’assurer la croissance et la continuité."