2016/08/15

Silo: "Le regard interieur"

I. La méditation

  1. Ici est raconté comment on convertit le non‑sens de la vie en sens et en plénitude.
  2. On y trouve joie, amour du corps, amour de la nature, amour de l'humanité et de l'esprit.
  3. On y renie les sacrifices, les sentiments de culpabilité et les menaces d'outre‑tombe.
  4. On n'y oppose pas ce qui est terrestre à ce qui est éternel.
  5. On y parle de la révélation intérieure à laquelle parvient celui qui s'applique à méditer en une humble recherche.

II. Dispositions pour comprendre

  1. Je sais ce que tu ressens car je peux me rendre compte de ton état, mais tu ne sais pas comment faire l'expérience de ce que je dis. Si, par la suite, je te parle de façon désintéressée de ce qui rend l'être humain heureux et libre, il vaudra la peine que tu essaies de comprendre.
  2. Ne pense pas que c'est en discutant avec moi que tu vas comprendre. Si tu crois que contredire cela faciliterait ta compréhension, tu peux le faire, mais ce n'est pas la voie à suivre dans ce cas.
  3. Si tu me demandes quelle est l'attitude appropriée, je te dirai que c'est de méditer en profondeur et sans hâte ce que je t'explique ici.
  4. Si tu rétorques avoir des choses plus urgentes à faire, je te répondrai que si ton désir est de dormir ou de mourir, je ne ferai rien pour m'y opposer.
  5. N'allègue pas non plus que ma façon de présenter les choses te déplaît car tu ne dis pas cela de la peau d'un fruit lorsque sa chair te plaît.
  6. Je m'exprime de la façon qui me semble convenir et non comme le souhaiteraient ceux dont les aspirations sont éloignées de la vérité intérieure.

III. Le non‑sens

Au long des jours, je découvris ce grand paradoxe : ceux qui éprouvèrent un échec dans leur cœur purent illuminer l'ultime triomphe ; ceux qui s'étaient sentis triomphateurs restèrent sur le chemin tels des végétaux à la vie diffuse et éteinte. Au long des jours, je parvins à la lumière depuis les obscurités les plus épaisses, guidé non par l'enseignement mais par la méditation.
Je me suis dit le premier jour :
  1. Il n'y a pas de sens à la vie si tout se termine avec la mort.
  2. Toute justification des actions, qu'elles soient méprisables ou excellentes, est toujours un nouveau rêve qui laisse face au vide.
  3. Il n'y a pas de certitude à propos de Dieu.
  4. La foi est aussi variable que la raison et le rêve.
  5. Ce qu'il faut faire” peut être entièrement discuté et il n'est rien qui vienne appuyer définitivement les explications.
  6. La responsabilité” de celui qui prend un engagement n'est pas plus grande que la responsabilité de celui qui n'en prend pas.
  7. J'agis selon mes intérêts et cela ne fait pas de moi un lâche, non plus qu'un héros.
  8. Mes intérêts” ne justifient ni ne discréditent rien.
  9. Mes raisons” ne sont ni meilleures ni pires que celles des autres.
  10. La cruauté me fait horreur, mais elle n'est pas, pour autant, meilleure ou pire en soi que la bonté.
  11. Ce qui est dit aujourd'hui, par moi ou par d'autres, n'est pas valable demain.
  12. Mourir n'est pas meilleur que de vivre ou que de ne pas être né, mais ce n'est pas pire non plus.
  13. J'ai découvert non par enseignement, mais par expérience et méditation, qu'il n'y a pas de sens à la vie si tout se termine avec la mort.

IV. La dépendance

Le deuxième jour :
  1. Tout ce que je fais, ressens et pense ne dépend pas de moi.
  2. Je suis changeant et dépends de l'action du milieu. Lorsque je veux changer le milieu ou mon “moi”, c'est le milieu qui me change. Je cherche alors la ville ou la nature, la rédemption sociale ou une nouvelle lutte qui puisse justifier mon existence… Dans chacun de ces cas, le milieu m'amène à prendre telle ou telle décision en faveur de telle ou telle attitude. De sorte que mes intérêts et le milieu me laissent tel quel.
  3. Je dis alors que peu importe ce ou celui qui décide. Je dis dans ce cas qu'il faut que je vive puisque je suis en situation de vivre. Je dis tout cela mais rien ne le justifie. Je peux me décider, hésiter ou en rester là. De toute façon, une chose est meilleure qu'une autre à titre provisoire, mais il n'est pas de “meilleur” ni de “pire” en définitive.
  4. Si quelqu'un me dit que celui qui ne mange pas meurt, je lui répondrai qu'en effet c'est ainsi et que, aiguillonné par ses besoins, il est obligé de manger ; mais je n'ajouterai pas que sa lutte pour manger justifie son existence. Je ne dirai pas non plus que cela soit mauvais. Je dirai simplement qu'il s'agit là d'un fait individuellement ou collectivement nécessaire pour la subsistance, mais dépourvu de sens à l'instant où l'on perd la dernière bataille.
  5. Je dirai en outre que je suis solidaire de la lutte du pauvre, de l'exploité et du persécuté. Je dirai que je me sens “réalisé” à travers une telle identification, mais je comprendrai que je ne justifie rien.

V. Soupçon du sens

Le troisième jour :
  1. Parfois j'ai anticipé des faits qui se sont produits par la suite.
  2. Parfois j'ai saisi une pensée lointaine.
  3. Parfois j'ai décrit des lieux que je n'avais jamais visités.
  4. Parfois j'ai rapporté avec précision ce qui s'était produit en mon absence.
  5. Parfois une joie immense m'a ravi.
  6. Parfois une compréhension totale m'a envahi.
  7. Parfois une communion parfaite avec le tout m'a mis en extase.
  8. Parfois j'ai brisé mes rêveries et j'ai vu la réalité sous un jour nouveau.
  9. Parfois j'ai reconnu comme les ayant déjà vues des choses que je voyais pour la première fois.
Et tout ceci m'a donné à penser.
Je suis bien conscient que sans ces expériences, je ne serais pas sorti du non‑sens.

VI. Sommeil et éveil

Le quatrième jour :
  1. Je ne peux considérer comme réel ce que je vois dans mes rêves, ni ce que je vois dans un demi‑sommeil ; pas plus ce que je vois éveillé mais plongé dans la rêverie.
  2. Je peux considérer comme réel ce que je vois éveillé et sans rêverie. Cela ne se réfère pas à ce qu'enregistrent mes sens mais à des activités de mon mental quand elles se rapportent à des “données” pensées. Car les données naïves et douteuses sont fournies par les sens externes, les sens internes, et aussi par la mémoire. Il est certain que mon mental le sait quand il est éveillé ; il le croit quand il est endormi. Les rares fois où je perçois le réel sous un jour nouveau, je comprends que ce que l'on voit normalement ressemble au rêve ou au rêve éveillé.
Il y a une façon réelle d'être éveillé : c'est celle qui m'a amené à méditer profondément sur ce qui a été dit jusqu'ici et qui, en outre, m'a ouvert la porte pour découvrir le sens de tout ce qui existe.

VII. Présence de la Force

Le cinquième jour :
  1. Quand j'étais réellement éveillé, je m'élevais de compréhension en compréhension.
  2. Quand j'étais réellement éveillé et que la vigueur me manquait pour continuer l'ascension, je pouvais extraire la Force de moi‑même. Elle était dans tout mon corps. Toute l'énergie se trouvait jusque dans les plus petites cellules de mon corps. Cette énergie circulait et était plus rapide et plus intense que le sang.
  3. Je découvris que l'énergie se concentrait dans des points de mon corps lorsqu'ils s'activaient ; lorsqu'ils cessaient d'agir, elle s'en absentait.
  4. Pendant les maladies, l'énergie manquait ou s'accumulait exactement dans les points affectés. Mais si je parvenais à rétablir son passage normal, de nombreuses maladies commençaient à régresser.
Certains peuples en eurent connaissance et agirent de manière à rétablir l'énergie au moyen de divers procédés qui aujourd'hui nous semblent étranges.
Certains peuples en eurent connaissance et leurs élus agirent en communiquant cette énergie à d'autres, et des “illuminations” de compréhension eurent lieu, allant jusqu'à des “miracles” physiques.

VIII. Contrôle de la Force

Le sixième jour :
  1. Il y a une façon de diriger et de concentrer la Force qui circule dans le corps.
  2. Il existe des points de contrôle dans le corps. C'est d'eux que dépend ce que nous appelons mouvements, émotions et idées. Quand l'énergie agit sur ces points, des manifestations motrices, émotives et intellectuelles se produisent.
  3. Selon que l'énergie agit sur le corps en surface ou plus ou moins à l'intérieur, surviennent le sommeil profond, le demi‑sommeil ou l'état d'éveil… Les auréoles entourant le corps ou la tête des saints (ou des grands éveillés), dans les tableaux des différentes religions, font sûrement allusion à ce phénomène d'énergie qui parfois se manifeste plus extérieurement.
  4. Il y a un point de contrôle du véritable‑état‑d'éveil et il y a un moyen d'amener la Force jusqu'à celui‑ci.
  5. Lorsque l'énergie est amenée à cet endroit, tous les autres points de contrôle se mettent en mouvement de manière altérée.
Lorsque j'eus compris cela et lancé la Force vers ce point supérieur, tout mon corps ressentit l'impact d'une énorme énergie qui frappa ma conscience avec force et je m'élevai de compréhension en compréhension. Mais j'observai aussi que je pouvais descendre vers les profondeurs du mental si je perdais le contrôle de l'énergie. Je me souvins alors des légendes au sujet des “cieux” et des “enfers” et je vis la ligne de partage entre ces deux états mentaux.

IX. Manifestations de l'énergie

Le septième jour :
  1. Cette énergie en mouvement pouvait “se rendre indépendante” du corps tout en gardant son unité.
  2. Cette énergie unie était une sorte de “double corps”, qui correspondait à la représentation cénesthésique que l'on a de son propre corps à l'intérieur de l'espace de représentation (les sciences traitant des phénomènes mentaux ne donnaient d'information suffisante ni sur l'existence de cet espace ni sur les représentations correspondant aux sensations internes du corps).
  3. L'énergie dé‑doublée (c'est‑à‑dire imaginée “à l'extérieur” du corps, ou “séparée” de sa base matérielle) soit se dissolvait en tant qu'image, soit était représentée correctement, en fonction de l'unité intérieure de celui qui opérait ainsi.
  4. Je pus constater que “l'extériorisation” de cette énergie (représentation de son propre corps “en dehors” du corps) se produisait déjà depuis les niveaux les plus bas du mental. Dans ces cas, il arrivait qu'une atteinte à l'encontre de l'unité la plus primaire de la vie provoquât cette réponse en sauvegarde de ce qui était menacé. C'est pourquoi, dans les transes de certains médiums dont le niveau de conscience était bas et l'unité intérieure en péril, ces réponses étaient involontaires ; elles n'étaient pas reconnues comme produites par eux‑mêmes, mais attribuées à d'autres entités.
Les “fantômes” ou “esprits” de certains peuples ou de certains devins n'étaient autres que les propres “doubles” (les propres représentations) des personnes qui se sentaient saisies par eux. Etant donné l'obscurcissement de leur état mental (en transes) par la perte du contrôle de la Force, ils se sentaient manipulés par des êtres étranges qui, parfois, produisaient des phénomènes remarquables. Il ne fait pas de doute que de nombreux “possédés” subirent de tels effets. Le contrôle de la Force était donc décisif. Ceci modifiait complètement aussi bien ma conception de la vie courante que celle de la vie après la mort. Par ces pensées et ces expériences, je perdis de plus en plus foi en la mort et, depuis lors, je n'y crois pas, de même que je ne crois pas au non‑sens de la vie.

X. Evidence du sens

Le huitième jour :
  1. L'importance réelle de la vie éveillée m'apparut de façon évidente.
  2. L'importance réelle de détruire les contradictions internes me convainquit.
  3. L'importance réelle de manier la Force pour obtenir unité et continuité m'emplit d'un sens joyeux.

XI. Le centre lumineux

Le neuvième jour :
  1. Dans la Force était la “lumière” qui provenait d'un “centre”.
  2. Dans la dissolution de l'énergie, il y avait un éloignement du centre et dans son unification et son évolution, un fonctionnement correspondant du centre lumineux.
Je ne fus pas étonné de trouver la dévotion au dieu‑Soleil chez certains peuples anciens et je vis que, si certains adorèrent l'astre parce qu'il donnait la vie à la terre et à la nature, d'autres virent dans ce corps majestueux le symbole d'une réalité majeure.
Certains allèrent encore plus loin et reçurent de ce centre d'innombrables dons, qui “descendirent” tantôt sous forme de langues de feu au‑dessus des inspirés, tantôt sous forme de sphères lumineuses, tantôt sous forme de buissons ardents qui apparaissaient devant le croyant effrayé.

XII. Les découvertes

Le dixième jour :
Peu nombreuses mais importantes furent mes découvertes, que je résume ainsi :
  1. La Force circule dans le corps involontairement mais peut être orientée par un effort conscient. Obtenir un changement dirigé du niveau de conscience permet à l'être humain d'entrevoir d'importants indices de libération des conditions “naturelles” qui semblent s'imposer à la conscience.
  2. Il existe dans le corps des points de contrôle de ses diverses activités.
  3. Il y a des différences entre l'état d'éveil‑véritable et les autres niveaux de conscience.
  4. La Force peut être conduite au point du réel éveil (la “Force” étant l'énergie mentale qui accompagne certaines images et le “point”, le positionnement d'une image en un “lieu” de l'espace de représentation).
Ces conclusions m'amenèrent à reconnaître dans les prières des peuples anciens le germe d'une grande vérité qui s'obscurcissait dans les rites et les pratiques extérieures ; ils ne parvinrent pas à développer le travail intérieur qui, réalisé avec perfection, met l'homme en contact avec sa source lumineuse.
Je me suis finalement rendu compte que mes “découvertes” n'en étaient pas, mais qu'elles étaient dues à la révélation intérieure à laquelle parvient celui qui, sans contradictions, cherche la lumière en son propre cœur.

XIII. Les principes

L'attitude face à la vie et aux choses est différente lorsque la révélation intérieure frappe comme la foudre.
En suivant pas à pas, en méditant sur ce qui a été dit et sur ce qui est encore à dire, tu peux transformer le non‑sens en sens.
Ce que tu fais de ta vie n'est pas indifférent. Ta vie, soumise à des lois, a devant elle des possibilités de choix.
Je ne te parle pas de liberté, mais de libération, de mouvement, de processus. Quand je te parle de liberté, il n s'agit pas de quelque chose d'immobile : je te parle de se libérer pas à pas, tout comme celui qui arrive aux abords de sa ville se libère du chemin qu'il a dû parcourir.
Alors, “ce qu'il faut faire” ne dépend pas d'une morale lointaine, incompréhensible et conventionnelle, mais de lois : lois de vie, de lumière, d'évolution.
Voici les “Principes” qui peuvent aider à la recherche de l'unité intérieure.
  1. Aller contre l'évolution des choses, c'est aller contre soi‑même.
  2. Quand tu veux atteindre un but par force, tu produis l'effet contraire.
  3. Ne t'oppose pas à une grande force. Recule jusqu'à ce qu'elle s'affaiblisse ; alors, avance avec résolution.
  4. Les choses vont bien lorsqu'elles marchent ensemble et non isolément.
  5. Si pour toi le jour et la nuit, l'été et l'hiver sont bien, tu as dépassé les contradictions.
  6. Si tu recherches le plaisir, tu t'enchaînes à la souffrance. Mais, tant que tu ne nuis pas à ta santé, jouis sans inhibition quand l'opportunité s'en présente.
  7. Si tu poursuis un but, tu t'enchaînes. Si tout ce que tu fais, tu l'accomplis comme un but en soi, tu te libères.
  8. Tu feras disparaître tes conflits lorsque tu les comprendras jusqu'à leurs racines profondes et non lorsque tu voudras les résoudre.
  9. Lorsque tu portes préjudice aux autres, tu restes enchaîné. Mais si tu ne portes pas préjudice à d'autres, tu peux faire ce que tu veux avec liberté.
  10. Lorsque tu traites les autres comme tu veux qu'ils te traitent, tu te libères.
  11. Peu importe dans quel camp t'ont placé les événements : ce qui importe, c'est que tu comprennes que tu n'as choisi aucun camp.
  12. Les actes contradictoires ou unitifs s'accumulent en toi. Si tu répètes tes actes d'unité intérieure, rien ne pourra plus t'arrêter.
Tu seras semblable à une force de la Nature qui ne trouve aucune résistance sur son passage. Apprends à distinguer ce qui est difficulté, problème ou inconvénient de ce qui est contradiction. Si les premiers te poussent ou t'incitent, cette dernière t'immobilise dans un cercle fermé.
Lorsque tu trouves une grande force, une grande joie et une grande bonté dans ton cœur, ou lorsque tu te sens libre et sans contradictions, remercie immédiatement en ton intérieur. Lorsque le contraire t'arrive, demande avec foi, et la reconnaissance que tu as accumulée te reviendra transformée et amplifiée en bénéfices.

XIV. Le guide du chemin intérieur

Si tu as compris ce qui a été expliqué jusqu'ici, tu peux faire l'expérience de la manifestation de la Force par un simple travail. De plus, ce n'est pas la même chose d'observer une position mentale plus ou moins correcte (comme s'il s'agissait d'une disposition pour une activité technique) que de prendre une attitude et une ouverture émotive proches de celles qu'inspirent les poèmes. C'est pourquoi le langage dont on se sert pour transmettre ces vérités vise à faciliter cette attitude, qui met plus facilement en présence de la perception intérieure que d'une idée sur la “perception intérieure”.
A présent, suis attentivement ce que je vais t'expliquer car cela concerne le paysage intérieur que tu peux trouver en travaillant avec la Force, et les directions que tu peux imprimer à tes mouvements mentaux.
« Dans ta marche par le chemin intérieur, tu peux être obscurci ou lumineux. Prête attention aux deux voies qui s'ouvrent devant toi.
« Si tu laisses ton être se lancer vers des régions obscures, ton corps gagne la bataille et c'est lui qui domine. Alors surgiront des sensations et des apparences d'esprits, de forces et de souvenirs. Par là, on descend toujours davantage. C'est là que se trouvent la Haine, la Vengeance, l'Etrangeté, la Possession, la Jalousie, le Désir de Demeurer. Si tu descends encore davantage, tu seras envahi par la Frustration, le Ressentiment, et par tous ces rêveries et désirs qui ont été source de ruine et de mort pour l'humanité.
« Si tu lances ton être dans une direction lumineuse, tu trouveras résistance et fatigue à chaque pas. Cette fatigue de la montée a ses coupables. Ta vie pèse, tes souvenirs pèsent, tes actions passées entravent l'ascension. Cette escalade est rendue difficile par l'action de ton corps qui tend à dominer.
« Au fur et à mesure de l'ascension, on trouve d'étranges régions aux couleurs pures et aux sons inconnus.
« Ne fuis pas la purification qui agit comme le feu et qui épouvante avec ses fantômes.
« Rejette l'effroi et le découragement.
« Rejette le désir de fuir vers de basses et obscures régions.
« Rejette l'attachement aux souvenirs.
« Reste en état de liberté intérieure, indifférent à l'illusion du paysage, résolu dans l'ascension.
« La lumière pure éclaire les cimes des hautes chaînes montagneuses et les eaux des mille‑couleurs s'écoulent au son de mélodies indéfinissables vers des prairies et des plateaux cristallins.
« Ne crains pas la pression de la lumière qui t'éloigne de son centre avec toujours plus de force. Absorbe‑la comme un liquide ou un vent car vraiment elle est la vie.
« Lorsque, dans la grande chaîne montagneuse, tu trouveras la cité cachée, tu devras connaître l'entrée. Mais cela, tu le sauras au moment où ta vie sera transformée. Ses énormes murailles sont écrites en figures, elles sont écrites en couleurs, elles sont “senties”. En cette cité on garde ce qui est fait et ce qui est à faire… Mais pour ton œil intérieur, ce qui est transparent est opaque. Oui ! les murs te sont impénétrables !
« Prends la Force de la cité cachée. Retourne au monde de la vie dense avec ton front et tes mains lumineux. »

XV. L'expérience de paix et le passage de la Force

  1. Détends ton corps complètement et apaise le mental. Imagine alors une sphère transparente et lumineuse qui, descendant vers toi, finit par se loger dans ton cœur. Tu reconnaîtras alors que la sphère cesse d'apparaître comme une image pour devenir sensation à l'intérieur de ta poitrine.
  2. Observe comment, partant de ton cœur, la sensation de la sphère s'étend lentement vers l'extérieur du corps, alors que ta respiration devient plus ample et plus profonde. Dès que la sensation est parvenue aux limites du corps, c'est alors que tu peux cesser toute opération et enregistrer l'expérience de paix intérieure. Tu peux demeurer dans la sphère le temps que tu jugeras opportun. Ensuite, fais reculer cette expansion (en retournant au cœur, comme au début) pour te défaire de ta sphère et conclure l'exercice, calme et réconforté. On appelle ce travail “expérience de paix”.
  3. Mais si tu veux, par contre, faire l'expérience du passage de la Force, au lieu de faire reculer l'expansion, tu devras l'amplifier, laissant tes émotions et tout ton être la suivre. N'essaie pas de porter ton attention sur la respiration… Laisse‑la agir par elle‑même, pendant que tu suis l'expansion hors de ton corps.
  4. Je dois te répéter ceci : en de tels moments, tu dois être attentif à la sensation de la sphère en expansion. Si tu n'y arrives pas, il vaut mieux que tu t'arrêtes et que tu essaies de le faire une autre fois. De toute façon, si tu ne produis pas le passage, tu pourras ressentir une intéressante sensation de paix.
  5. Si par contre, tu as été plus loin, tu commenceras à faire l'expérience du passage. De tes mains et d'autres zones de ton corps te parviendra une gamme de sensations différente de ce qui est habituel. Puis tu percevras des ondulations progressives et, en peu de temps, jailliront avec vigueur images et émotions. Laisse alors se produire le passage…
  6. En recevant la Force, tu percevras la lumière ou d'étranges sons, suivant ton mode de représentation habituel. Dans tous les cas, ce qui importe sera de faire l'expérience de l'expansion de la conscience, dont un des indicateurs sera une plus grande lucidité et une plus grande disposition à comprendre ce qui arrive.
  7. Quand tu le désires, tu peux mettre fin à cet état singulier (à moins qu'il ne se soit dilué au fil du temps), en imaginant ou en sentant que la sphère se contracte et qu'elle sort ensuite de toi, de la même façon que cela était arrivé au début.
  8. Il est important de comprendre que de nombreux états altérés de conscience ont été et sont obtenus presque toujours par déclenchement de mécanismes semblables à ceux déjà décrits. Ils ont été, bien sûr, ornés de rituels étranges, ou parfois renforcés par des pratiques d'épuisement, par une motricité déchaînée, par la répétition et par des positions qui, dans tous les cas, altèrent la respiration et faussent la sensation générale de l'intracorps. Dans ce domaine, tu dois reconnaître l'hypnose, la médiumnité et aussi l'action de la drogue qui, en agissant par des voies différentes, produisent des altérations similaires. Il est certain que tous les cas mentionnés se caractérisent par l'absence de contrôle et l'ignorance de ce qui se produit. Méfie‑toi de telles manifestations et considère les comme de simples “transes”, par lesquelles sont passés les ignorants, les expérimentateurs, et même les “saints” d'après les légendes.
  9. Si tu as travaillé en observant ces recommandations, il peut se faire, néanmoins, que tu n'aies pas réussi le passage. Ceci ne doit pas devenir le centre de tes préoccupations, mais simplement l'indicateur d'un manque de “détente” intérieure, ce qui pourrait refléter une grande tension, des problèmes avec la dynamique d'image et en somme une fragmentation dans le comportement émotif… Ce qui du reste, est présent dans la vie quotidienne.

XVI. Projection de la Force

  1. Si tu as fait l'expérience du passage de la Force, tu pourras comprendre comment, en s'appuyant sur des phénomènes similaires, mais sans aucune compréhension, différents peuples se sont lancés dans des rites et des cultes qui, ensuite, se sont multipliés sans cesse. Ainsi, quand, par les expériences dont on a parlé, les gens sentaient leur corps “dédoublé”, et que l'expérience de la Force leur donnait la sensation (en amplifiant la représentation) que cette énergie était “au‑dehors”, ils croyaient pouvoir la projeter hors d'eux‑mêmes.
  2. La Force était “projetée” sur d'autres, ainsi que sur des objets particulièrement “aptes” à la recevoir et à la conserver. J'espère qu'il ne te sera pas difficile de comprendre la fonction qu'accomplissent certains sacrements dans les différentes religions, ainsi que la signification des lieux saints et des prêtres soi‑disant “chargés” de la Force (avec des “dons” spéciaux). Quand certains objets étaient vénérés avec foi dans les temples, et qu'on les entourait de cérémonies et de rites, ils “restituaient” certainement aux croyants l'énergie accumulée par la prière répétée. Et c'est poser des limites à la connaissance du fait humain que l'on ait presque toujours donné à ces phénomènes des explications extérieures, selon la culture, l'espace, l'histoire et la tradition ; alors que l'expérience intérieure de base est une donnée essentielle pour comprendre tout ceci.
  3. Nous reviendrons plus loin sur ce qui est de “projeter”, “charger”, et “restituer” la Force. Mais je peux déjà te dire que ce même mécanisme continue d'agir, de nos jours, dans des sociétés désacralisées, où les leaders et les hommes de prestige sont nimbés d'une représentation spéciale par ceux qui les voient, à tel point qu'ils voudraient les “toucher” ou s'emparer d'un fragment de leurs vêtements ou de leurs objets personnels.
  4. Parce que toute représentation de ce qui est “haut” part de l'œil et va au‑dessus de la ligne normale du regard. Et “hautes” sont les personnalités qui “possèdent” la bonté, la sagesse et la force. Et dans le “haut” se trouvent les hiérarchies, les pouvoirs, les drapeaux et l'Etat. Et nous autres, communs des mortels, nous devons “gravir” l'échelle sociale et nous rapprocher du pouvoir à tout prix. Comme on se sent mal quand on est manipulés, encore aujourd'hui, par ces mécanismes (qui coïncident avec notre représentation interne, la tête en “haut” et les pieds collés à la terre). Comme on se sent mal quand on croit à ces choses‑là (et on y croit parce qu'elles ont une “réalité” dans notre représentation intérieure). Comme on se sent mal ! lorsque notre regard extérieur n'est qu'une projection ignorée de notre regard intérieur.

XVII. Perte et répression de la Force

  1. Les plus grandes décharges d'énergie sont provoquées par des actes non contrôlés qui sont : l'imagination débridée, la curiosité sans contrôle, le bavardage sans retenue, la sexualité excessive et la perception exagérée (regarder, écouter, goûter, etc., avec excès et sans but). Mais tu dois aussi reconnaître que beaucoup agissent de la sorte parce qu'ils se déchargent de tensions qui, autrement, leur seraient douloureuses. Tenant compte de ceci et sachant le rôle joué par ces décharges, tu conviendras avec moi qu'il n'est pas raisonnable de les réprimer, et qu'il convient plutôt de les ordonner.
  2. Quant à la sexualité, tu dois interpréter correctement ceci : une telle fonction ne doit pas être réprimée, car cela engendrerait des effets mortifiants et la contradiction interne. La sexualité s'oriente et s'achève en l'acte lui‑même, et il ne convient pas qu'elle continue à affecter l'imagination ou à chercher un nouvel objet de possession de façon obsessionnelle.
  3. Le contrôle du sexe par certaine “morale” sociale ou religieuse déterminée servit à des desseins qui n'avaient rien à voir avec l'évolution, bien au contraire.
  4. La Force (l'énergie de la représentation de la sensation de l'intracorps) se dédoubla vers le crépusculaire dans les sociétés réprimées et alors se multiplièrent les “possédés par le démon”, les “sorciers”, les sacrilèges et les criminels de tout acabit qui jouirent de la souffrance et de la destruction de la vie et de la beauté. Dans certaines tribus et civilisations, les criminels se trouvèrent aussi bien parmi les justiciers que parmi les condamnés. Dans d'autres cas, on persécuta tout ce qui était science et progrès parce que cela s'opposait à ce qui était irrationnel, crépusculaire et réprimé.
  5. La répression du sexe existe encore chez quelques peuples primitifs, mais aussi chez d'autres que l'on considère d'une “civilisation avancée”. Il est évident que chez les uns comme chez les autres, c'est un signe de destruction très marqué, même si, dans les deux cas, l'origine d'une telle situation est différente.
  6. Si tu me demandes d'autres explications, je te dirai que, en réalité, le sexe est saint et qu'il est le centre d'où jaillissent la vie et toute créativité ; de même qu'il est à l'origine de toute destruction quand le problème de son fonctionnement n'est pas résolu.
  7. Ne crois jamais aux mensonges de ceux qui enveniment la vie en se référant au sexe comme à quelque chose de méprisable. Au contraire, il y a en lui de la beauté et ce n'est pas en vain qu'il est lié aux meilleurs sentiments d'amour.
  8. Prêtes‑y attention et considère le comme une grande merveille que l'on doit traiter avec délicatesse et dont on ne doit pas faire une source de contradiction ou un agent de désintégration de l'énergie vitale.

XVIII. Action et réaction de la Force

Précédemment je t'ai expliqué : « Lorsque tu trouves une grande force, une grande joie et une grande bonté dans ton cœur, ou lorsque tu te sens libre et sans contradictions, remercie immédiatement en ton intérieur. »
  1. Remercier” signifie concentrer les états d'âme positifs associés à une image, à une représentation. Cette liaison avec l'état positif permet, en situation défavorable, de faire surgir, en évoquant une chose, celle qui l'accompagnait auparavant. De plus, puisque cette “charge” mentale peut être élevée par des répétitions antérieures, elle est capable de déloger les émotions négatives que pourraient imposer certaines circonstances.
  2. C'est ainsi que ce que tu demanderas te reviendra de ton intérieur avec bénéfices, pourvu que tu aies accumulé en toi de nombreux états positifs. Il n'y a donc pas lieu que je te répète que ce mécanisme servit (confusément) pour “charger” des objets ou des personnes, ou bien des entités intérieures qui prirent forme extérieure, en croyant que prières et demandes seraient exaucées.

XIX. Les états intérieurs

Tu dois acquérir à présent une perception suffisante des états intérieurs dans lesquels tu peux te trouver au cours de ta vie et, en particulier, au cours de ton travail évolutif. Je ne peux les décrire autrement qu'avec des images (dans ce cas, des allégories). Celles‑ci, me semble‑t‑il, ont pour vertu de concentrer “visuellement” des états d'âme complexes. D'autre part, la particularité d'enchaîner de tels états comme s'ils faisaient partie de différents moments d'un même processus introduit une variante dans les descriptions toujours fragmentées auxquelles nous ont habitués ceux qui s'occupent de ces choses.
  1. Le premier état, où le non‑sens prévaut (celui que nous avons mentionné au début), sera appelé état de “vitalité diffuse”. Tout est orienté en fonction des besoins physiques, mais ceux‑ci sont souvent confondus avec les désirs et les images contradictoires. Là, il y a de l'obscurité dans les intentions et les activités. On demeure dans cet état en végétant, perdu parmi des formes variables. A partir de ce point, on ne peut évoluer que par deux voies : celle de la mort ou celle de la mutation.
  2. La voie de la mort te met en présence d'un paysage chaotique et obscur. Les anciens connaissaient ce passage et le situaient presque toujours “sous terre”, ou dans les profondeurs abyssales. Certains visitèrent aussi ce royaume, pour “ressusciter” ensuite en des niveaux lumineux. Comprends bien qu'“en dessous” de la mort existe la vitalité diffuse. Le mental humain met peut‑être en relation la désintégration mortelle avec des phénomènes postérieurs de transformation, et il associe peut‑être aussi le mouvement diffus avec celui qui précède la naissance. Si ta direction est dans le sens ascendant, la “mort” correspond à une rupture avec ton étape antérieure. Par la voie de la mort, on accède à un autre état.
  3. En y arrivant, on trouve le refuge de la régression. De là partent deux chemins : celui du repentir et celui‑là même qui fut emprunté pour la montée, c'est‑à‑dire le chemin de la mort. Si tu prends le premier, c'est parce que ta décision tend à rompre avec ta vie passée. Si tu retournes par le chemin de la mort, tu retombes dans les abîmes avec la sensation de tourner en rond.
  4. Ceci dit, je t'ai parlé d'un autre sentier, qui permet d'échapper à la vitalité abyssale, celui de la mutation. Si tu choisis cette voie, c'est parce que tu veux émerger de ton pénible état, sans toutefois être disposé à abandonner certains de ses bénéfices apparents. Il s'agit donc là d'un faux chemin, connu sous le nom de “chemin de la main gauche”. De nombreux monstres sont sortis des profondeurs de ce tortueux passage. Ils ont voulu prendre le ciel d'assaut sans abandonner les enfers et, ce faisant, ils ont projeté sur le monde médian une contradiction infinie.
  5. Je suppose que, t'élevant depuis le royaume de la mort et par ton repentir conscient, tu es déjà parvenu à la demeure de la tendance. Tu ne peux pratiquement pas t'y arrêter. Deux minces corniches soutiennent ta demeure : la conservation et la frustration. La conservation est fausse et instable. En la parcourant, tu t'illusionnes avec l'idée de permanence, mais en réalité tu descends à grande vitesse. Si tu prends le chemin de la frustration, ta montée est pénible, quoiqu'elle soit l'unique‑non‑fausse.
  6. D'échec en échec, tu peux arriver au prochain palier, appelé “demeure de la déviation”. Attention aux deux voies que tu as maintenant devant toi : tu peux prendre soit le chemin de la résolution, qui te mène à la génération, soit celui du ressentiment, qui te fait redescendre vers la régression. Tu es là, placé face au dilemme : ou bien tu te décides en faveur du labyrinthe de la vie consciente (et tu le fais avec résolution), ou bien tu retournes plein de ressentiment à ta vie précédente. Nombreux sont ceux qui, n'étant pas parvenus à se dépasser, se privent là de toutes leurs possibilités.
  7. Mais toi, qui t'es élevé avec résolution, tu te trouves à présent dans la demeure connue sous le nom de “génération”. Tu as là trois portes : l'une s'appelle “Chute”, l'autre “Tentative”, et la troisième “Dégradation”. La Chute te mène directement aux profondeurs et seul un accident extérieur pourrait te pousser vers elle. Il t'est difficile de choisir cette porte. Alors que celle de la Dégradation te mène indirectement aux abîmes, en te faisant rebrousser chemin dans une sorte de spirale pleine de turbulences où tu ne cesses de reconsidérer tout ce qui a été perdu et sacrifié sur l'autel d'un dieu inconnu. Cet examen de conscience qui mène à la Dégradation est, bien sûr, un faux examen, dans lequel tu sous‑estimes et disproportionnes certaines choses que tu compares. Tu confrontes l'effort de la montée avec tous les “bénéfices” que tu as abandonnés. Mais si tu regardes les choses de plus près, tu t'apercevras que tu n'as rien abandonné pour cette raison, mais pour d'autres. La Dégradation commence donc par falsifier les raisons qui, en apparence, ont toujours été étrangères à la montée. Je demande maintenant : Qu'est‑ce qui trahit le mental ? Peut‑être les fausses raisons de l'enthousiasme initial ? Peut‑être la difficulté de l'entreprise ? Peut‑être le faux souvenir de sacrifices qui n'ont pas existé ou qui ont eu d'autres motifs ? Je te dis et je te demande maintenant : Ta maison a brûlé il y a longtemps. Est‑ce pour cela que tu as décidé de monter, ou penses‑tu maintenant que c'est parce que tu es monté qu'elle a brûlé ? As‑tu par hasard regardé un peu ce qui était arrivé à d'autres maisons des alentours ?… Il ne fait pas de doute que tu doives choisir la porte du milieu.
  8. Gravis le perron de la Tentative et tu parviendras à une coupole instable. Arrivé là, déplace‑toi le long d'un couloir étroit et sinueux que tu connaîtras comme étant celui de la “versatilité”, jusqu'à atteindre un espace vaste et vide (comme une plate‑forme), qui se nomme : “espace‑ouvert‑de‑l'énergie”.
  9. Dans cet espace, tu peux être épouvanté par le paysage désertique et immense ainsi que par le silence effrayant de la nuit transfigurée par d'énormes étoiles immobiles. Là, exactement au‑dessus de ta tête, tu verras, clouée dans le firmament, la forme insinuante de la Lune Noire. Là, tu dois attendre l'aube avec patience et foi, car rien de mal ne peut t'arriver si tu restes calme.
  10. Il pourrait arriver que, dans une telle situation, tu veuilles tenter une sortie immédiate. Si cela se produit, tu risquerais de te diriger à tâtons vers n'importe quel endroit, au lieu d'attendre le jour avec prudence. Tu dois alors te rappeler que là (dans l'obscurité), tout mouvement est faux et reçoit généralement le nom “d'improvisation”. Si, oubliant ce que je dis maintenant, tu commençais à improviser des mouvements, sois sûr que tu serais alors entraîné par un tourbillon, parmi les sentiers et les demeures, jusqu'aux plus sombres fonds de la dissolution.
  11. Qu'il est difficile de comprendre comment les états intérieurs sont enchaînés les uns aux autres ! Si tu savais quelle est la logique inflexible de la conscience, tu constaterais que dans la situation décrite, celui qui improvise aveuglément commence fatalement à dégrader et à se dégrader ; surgissent ensuite en lui les sentiments de frustration ; et il tombe dans le ressentiment et dans la mort ; survient alors l'oubli de tout ce qu'un jour il avait pu percevoir.
  12. Si, sur l'esplanade, tu arrives à atteindre le jour, surgira devant tes yeux le soleil radieux qui t'éclairera pour la première fois la réalité. Alors tu verras que dans tout ce qui existe vit un Plan.
  13. Il te sera difficile de tomber de là, à moins que tu ne veuilles volontairement descendre vers des régions plus obscures pour porter la lumière aux ténèbres.
Mieux vaut ne pas développer davantage ces thèmes car, sans expérience, ils trompent en transposant dans le domaine de l'imaginaire ce qui est réalisable.
Que ce qui a été dit jusqu'ici te serve. Si ce qui a été expliqué ne t'était pas utile, que pourrais‑tu objecter puisque rien n'a de fondement ni de raison pour le scepticisme, qui est comme l'image d'un miroir, le son d'un écho, l'ombre d'une ombre.

XX. La réalité intérieure

  1. Sois attentif à mes considérations. En elles, tu n'auras d'intuitions que de phénomènes allégoriques et de paysages du monde extérieur. Cependant, elles comportent aussi des descriptions réelles du monde mental.
  2. Tu ne dois pas croire non plus que les “lieux” que tu traverses dans ta marche aient une sorte d'existence indépendante. Pareille confusion a souvent obscurci de profonds enseignements et c'est ainsi que, même de nos jours, certains croient que les cieux, les enfers, les anges, les démons, les monstres, les châteaux hantés, les cités lointaines et autres ont une réalité visible aux yeux des “illuminés”. Le même préjugé (mais inversement interprété) a eu prise sur des sceptiques dépourvus de sagesse, qui prirent ces choses‑là pour de simples illusions ou des hallucinations dont ont souffert des esprits enfiévrés.
  3. Je dois répéter alors que dans tout ceci, tu dois comprendre qu'il s'agit de véritables états mentaux, même s'ils sont symbolisés par des objets n'ayant pas d'existence indépendante.
  4. Tiens compte de ce qui a été dit et apprends à dé‑couvrir la vérité derrière les allégories, qui parfois dévient le mental, mais qui parfois traduisent aussi des réalités impossibles à saisir sans représentation.
Quand on parla des cités des dieux où voulurent parvenir de nombreux héros de différents peuples ; quand on parla de paradis où les dieux et les hommes vivaient ensemble dans une nature originelle transfigurée ; quand on parla de chutes et de déluges, on exprima une grande vérité intérieure.
Les rédempteurs apportèrent ensuite la Parole et vinrent à nous dans une double nature pour rétablir cette nostalgique unité qui était perdue. On exprima aussi alors une grande vérité intérieure.
Néanmoins, lorsqu'on parla de tout ceci en le plaçant hors du mental, on fit erreur ou on mentit.
Inversement, le monde extérieur, confondu avec le regard intérieur, oblige celui‑ci à parcourir de nouveaux chemins.
Ainsi, aujourd'hui s'envole vers les étoiles le héros de cet âge. Il vole à travers des régions jusqu'alors ignorées.
Il vole vers l'extérieur de son monde et, sans le savoir, est lancé jusqu'au centre intérieur et lumineux.

Copyright © 1988 Silo. Copyright © 1997 Editions Références pour la traduction française.
Tous droits réservés selon les Conventions de Copyright International. En accédant à cette publication, vous acceptez de laisser cet avis joint au document et de n'utiliser cette publication que pour usage personnel et non pour autre usage, comme vente ou distribution sans permission écrite du détenteur du copyright.
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ajouter votre commentaire